« L'envol de La Seyne » : Décollage imminent ?...
La fameuse décision 20-111 prise en décembre 2020 par la maire de La Seyne, outre le fait qu'elle questionne sur les choix relatifs au devenir du site des anciens chantiers navals, et notamment de notre « Atelier mécanique » et de l'« Atelier des escalators », toujours propriété du Groupe CNIM, pose d'autres questions.
La maire a en effet décidé de solliciter la Région Provence pour qu'elle subventionne six autres projets. L'ensemble ne manque pas d'ambition. On en apprécie la cohérente globalité, sous l'intitulé général « L'envol de La Seyne », en référence, sûrement, au nom « L'envol de l'Aigle » que la précédente équipe municipale avait donné en 2013-2014 à une exposition permanente du Fort Balaguier sur le thème de la fulgurante ascension du jeune capitaine Bonaparte, alors soldat défendant avec brio la République naissante.
Mais, tout en espérant que La Seyne ne connaisse pas un crash au décollage ni que sa commandante de bord se déroute, ainsi que Bonaparte devenu Napoléon Ier, vers un impérialisme totalitaire comme pourraient le souhaiter certains membres de son équipage issus d'escadrilles de droite extrême et d'extrême-droite, il faut souhaiter, avant que ne vrombissent les réacteurs, que tout le monde ait bien les pieds sur terre et que, outre la part régionale de kérosène, l'on puisse apporter la part communale pour emplir les réservoirs budgétaires de l'appareil.
Car l'ensemble des sept programmes, dont le fond n'est pas contestable, représente tout de même un joli coût prévisionnel de 71,8 millions d'euros hors taxe, pour la couverture duquel est espérée une aide régionale à hauteur de 18,48 millions d'euros. Il reste donc plus de 50 millions HT à trouver. Pas sûr, la commandante de bord le rappelait suite à un audit du pilotage financier de l'équipage précédent, que la compagnie organisatrice du vol qu'est la mairie ait les reins suffisamment solides pour les supporter sur son budget...
Et puis, on a du mal à comprendre que ce soit la Ville de La Seyne qui établisse des plans de vol sur des espaces aériens qui ne relèvent pas de sa compétence.
Le projet de « pont de la réconciliation », en effet, dont on suppose qu'il s'agit de celui présenté dans le programme électoral de l'équipe majoritaire, enjambant la rade depuis le jardin Aristide-Briand jusqu'au parc de la Navale (les boulistes et les anciens de l'un, les usagers et les paysagistes concepteurs de l'autre apprécieront sûrement les voies d'accès qui les traverseront...),est un équipement de voirie. Ce n'est pas à la commune de porter ce projet, mais à la métropole qui exerce la compétence pour ce type d'investissement.
Le projet de « sentier sous-marin » situé, on l'imagine, dans la zone des 300 mètres du littoral s'inscrit aussi dans une compétence métropolitaine, sous le contrôle de l'État (Direction Départementale des Territoires et de la Mer), d'autant plus qu'il se situe dans la partie marine de la zone de protection Natura 2000...
Le projet de « plateforme mutualisée d'essai », dont il serait bien qu'on sache de quoi il retourne, sur le technopôle de Brégaillon (et non la technopole, comme indiqué dans la décision...), relève de la Chambre de commerce et d'industrie du Var (CCIV), concessionnaire de la métropole qui exerce les compétences portuaires et économiques...
Et le projet de « centre de rencontres scientifiques internationales et de congrès », dont on imagine qu'il s'agit du programme de redynamisation de l'Institut Michel-Pacha de Tamaris que la Ville soutient depuis 2009, n'est pas non plus de compétence communale : c'est son propriétaire, l'Université de Lyon, qui le porte...
Il y a encore le projet d'un « centre mondial de la plongée » dans le Fort de Balaguier, qui n'est toujours pas propriété communale mais un actif du ministère des Armées, et sur lequel il serait intéressant de connaître l'avis que l'architecte des bâtiments de France (ABF) du ministère de la Culture a émis ou émettra, s'agissant d'un patrimoine classé Monument historique...
De compétence communale stricte, ne reste donc que le projet d'un « événement d'envergure régionale “son et lumière” annuel (…) lié à l'action de Bonaparte » pour un coût de 150.000 euros, dont 60.000 escomptés du Conseil régional. Un tout petit bout des 18 millions sollicités. Ce programme gagnerait d'ailleurs à être porté par la métropole, puisqu'il affiche l'ambition de valoriser « le patrimoine de la rade », dans le cadre de ses compétences culturelle et touristique où s'inscrit son programme de promotion du patrimoine maritime commun au territoire du « Grand Toulon ». Et il serait enfin bien de comprendre avant le décollage du supersonique seynois vers quel objectif est orientée la partie mystérieuse de ce projet destinée, selon le texte de la décision de la maire, à « rétablir une vérité historique »... On en salive d'avance...
Mais nul doute que toutes ces infimes ambiguïtés seront vite levées, que le conseil municipal et la population, via par exemple les conseils de quartiers qui sont un vecteur dynamique de la démocratie de proximité, seront bien informés et associés, et que le projet « L'envol de la Seyne » aura la bénédiction de la tour de contrôle du service de légalité de la préfecture, celle de l'Amirauté pour ce qui touche à la rade qui est un port militaire, et, pour les volets de "l'Envol de la Seyne" touchant aux mobilités, les nécessaires adaptations à la crise climatique et l'exigence de contreparties environnementales , la présentation du plan climat, la fermeture des lignes aériennes intérieures sur lesquelles une alternative en train existe à moins de 4 heures. L'avion émet 45 fois plus de CO2 par kilomètre et par voyageur que le TGV...
Et alors les Seynois pourront attacher leurs ceintures et couper leurs mobiles...